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Texte publié en 2004 - Texte publié en 2007 - Texte publié en 2009

Nouvelles recherches sur le site de Castel-Minier 2004

Sous la coordination de F Téreygeol, Cl. Dubois (archives), B. Ancel (étude en mine), N. Florsch (étude géophysique), A. Doridot, W.-J. Chitty (Topographie de surface), D. Jouneau (relevés de surface)

          Le lieu-dit “ Castel-Minier ” a connu une première phase de recherche archéologique au début des années 90 sous la responsabilité de Claude Dubois. A cette occasion, les travaux ont principalement porté sur la rive droite du Garbet dans l’une des rares pièces de près encore existantes entre Agneserre et Aulus-les-Bains. Il s’agissait de vérifier la véracité de la toponymie portant à la fois sur l’existence d’un château mais également d’une chapelle. Si la mine n’a pas fait l’objet de recherche spécifique au cours de ces campagnes, elle avait déjà été topographiée par la même personne dans les années 80. Il faut ajouter à cela que le site de Castel-Minier apparaît également dans les archives dès 1319 et surtout qu’il fait l’objet d’une description par Jean de Malus en 1600 alors qu’il est déjà abandonné.
          Ainsi le site de surface comme le souterrain sont déjà bien documentés lorsque débute en 2003, cette nouvelle phase de recherche. Si l’intérêt régional du site est évident, il faut aussi noter que “ Castel-Minier ” se pose comme un jalon chronologique majeur dans la connaissance des techniques minières et métallurgiques liées à la production de l’argent au Moyen-Age. En effet, à ce jour, aucune mine du XIV e siècle n’a fait l’objet d’une étude globale. Or, à en croire les vestiges et les textes, se trouvent réunis en un seul lieu la mine, les ateliers de préparation du minerai, la fonderie et le tout inscrit dans un système défensif qui ne doit son existence qu’à celle de la mine.
          L’opération de 2003 avait pour objectif de collecter le plus grand nombre d’informations sur le site tant en souterrain qu’en extérieur avant d’envisager des fouilles archéologiques. C’est pourquoi le travail s’est limité à l’étude topographique, au relevé des vestiges apparents, à des prospections pédestres et géophysiques et à trois sondages sur la zone minière en rive gauche du Garbet.

La topographie de la mine

          La mine a déjà fait l’objet d’une topographie par Claude Dubois dans les années 80. Certaines zones n’étaient cependant pas connues et il a été jugé préférable d’effectuer une topographie complète des réseaux souterrains afin de disposer d’un plan homogène. Il s’agit dans cette première phase d’établir un état des lieux des vestiges souterrains, de caractériser leur architecture et de proposer une première analyse de la dynamique d’exploitation. Au terme de cette première étude topographique, il est possible de dégager plusieurs enseignements. On dénombre actuellement 300 m de galeries dont 120 ont fait l’objet d’une reprise par les mineurs modernes. Sur les 180 m restants, il apparaît que les galeries sont creusées en travers bancs. C'est-à-dire hors du filon. Elles sont ouvertes à la pointerolle et présentent, lorsqu’il est possible de le déterminer, une section étroite (1,10 X 0,50 m). Les puits sont assez peu visibles. Ils permettent de joindre deux zones de travail, facilitent la ventilation et la circulation des hommes et des matériaux. Les chantiers sur le filon présentent des allures variées. Ils sont inclinés et suivent en cela la minéralisation. Ce sont, au final, de vastes vides que les mineurs ont comblé progressivement avec leurs propres déblais. Il est aujourd’hui parfois difficile d’y circuler. Les techniques de percement employées à Castel-Minier peuvent se résumer en deux grandes familles : le creusement à la pointerolle et le percement au feu. L’un comme l’autre se repèrent aisément par les formes qu’ils laissent : traces d’outils et formes tranchées de la galerie pour la pointerolle, formes arrondies et déblais en écaille pour la taille au feu. Parallèlement à ce travail de relevés et d’interprétation, une datation C14 a été effectuée sur des charbons pris en mine. Avec une probabilité de 93,7 %, la date se situe entre 1185 et 1295. Jusqu’à présent, la mine était donnée pour être du XIV e siècle. Cette datation se justifie parfaitement par les données d’archives comme de terrain. En fait, l’exploitation minière n’apparaît dans les archives qu’à partir du moment où apparaît un conflit pour sa possession. La datation C14 ne fait que mettre en lumière l’existence de cette mine antérieurement au problème qu’elle soulève. Une seule datation ne suffit pas mais cela met clairement en évidence la nécessité d’un cadrage chronologique que seule la fouille et des campagnes de datation pourront apporter.

Les sondages en haldes et la datation

          Parallèlement au travail en mine, une série de sondages a été conduite sur les haldes, c’est à dire les déblais miniers en extérieur, pour dégager du matériel permettant leur datation. La difficulté résidait dans le choix de l’emplacement. En effet, la mine ayant été reprise ultérieurement à la période médiévale, il fallait choisir des haldes de la bonne période ! Si le choix a été judicieux à trois reprises, il n’a pas été possible de mettre au jour du matériel datant comme la céramique. Encore une fois, nous avons eu recours à la datation C14. Pris au pied d’un des sondages, les charbons ont fournis le résultat suivant : entre 1290 et 1405, soit l’ensemble du XIII e siècle qui est la période la mieux renseignée par les textes. Ici encore, une datation n’est pas suffisante. La multiplication des datations tant en mine qu’en extérieur permettra d’affiner la chronologie générale du site.

La topographie de surface

          Il est remarquable que la zone ou se trouvent les anciens bâtiments (château et chapelle) se soit conservée en prairie. Ce terrain ouvert a permis de mettre en œuvre de manière relativement aisée une opération de topographie. A l’aide d’un théodolite à télémètre laser, nous avons pu collecter plus de 10 000 points qui couvrent la zone comprise entre la chapelle et le château. Le travail n’est pas achevé mais des éléments se distinguent clairement sur cette carte.
          Le Castel-Minier prend place sur une moraine est-ouest bordée au Nord par la montagne et au Sud par le torrent. Trois chenaux traversent le site, un seul est actif prenant son eau dans une source se trouvant sous l’actuel chemin d’accès à la grange. Dans chaque cas, des murs terrasses sont installés transversalement à ces chenaux. Il s’en est suivi un comblement sûrement volontaire conduisant à un agrandissement des espaces plats. Deux de ces chenaux semblent d’origine naturelle. En revanche, le troisième chenal qui court selon un axe nord sud pourrait être d’origine anthropique et servir de fossé ou de canal d’amenée. Il fait suite directement à ce chenal une forte déclivité bien inscrite dans la pente et donnant sur un replat où aucune reprise du creusement n’est lisible. La proximité du lieu-dit “ pré aux meules ” et la nécessité de canaliser l’eau pour établir des moulins à minerai font de ce chenal et de sa chute un aménagement hydraulique idéal pour la mise en place d’un moulin dont le débit d’eau doit être contrôlé.
          La place forte se laisse bien voir sur la topographie puisqu’elle est localisée sur le petit sommet qui domine le grand replat et les terrasses. Si, grossièrement, la grange actuelle reprend l’emplacement de ce bâtiment, on aperçoit très nettement sur son flanc ouest un ressaut linéaire qui n’est autre qu’un des cotés de la base de la tour dont Jean de Malus fait mention. Dans le prolongement du mur sud de la grange que l’observation et les sondages de 1991 rattachent à la construction médiévale, la topographie indique l’existence d’un autre mur qui s’étend sur plus de 2 mètres en direction du chenal. Il existe une autre anomalie topographique qui forme un axe linaire de 5 m de long depuis l’angle nord-est de la grange en direction de l’actuel chemin d’accès.
          L’ensemble fortifié est donc très bien marqué dans le paysage. Il forme un triangle dont la pointe regarde à l’est, il est bordé au nord et au sud par deux murs d’enceinte et à l’ouest par un fossé (chenal ?) appuyé contre la montagne, formant la base de ce triangle. L’emplacement de la fonderie semble bien se définir également. En effet, le texte mentionne “ du coté de la plus grande montagne, il y a une vieille porte, par laquelle on entrait dans la grande fonte ”. Dans l’espace défini comme étant celui du “ château vieil ”, il ne reste guère de place qu’entre la grange et le chenal. A cet emplacement, la fonderie peut bénéficier de la force hydraulique disponible dans le chenal.
En ce qui concerne la “ chapelle ”, la topographie met clairement en évidence son extension notamment dans la partie Sud où aucun vestige n’est plus visible. Le bâtiment, sur lequel ont été construites une grange et une cabane toutes deux ruinées aujourd’hui, avait pour dimension 16 m de long pour 8 m de large. Si la dénomination de chapelle plutôt qu’église s’impose puisque le Castel-Minier n’a jamais été une paroisse, la taille du bâtiment s’approche effectivement de celui d’une église. Encore faudrait-il être sûr qu’il s’agisse bien d’un bâtiment religieux. En effet, les mentions les plus anciennes concernant cette église ne remontent pas au-delà du début du XIX e siècle alors que le bâtiment est déjà ruiné.
          Ce travail riche d’enseignements devra être suivi d’une étude microtopographique qui nécessitera de reprendre et de multiplier les points topographiques afin de faire mieux ressortir les anomalies du terrain.

La prospection géophysique

          Il a été possible de mettre en œuvre 5 modes de prospection géophysique qui peuvent se regrouper en deux grandes familles : les prospections magnétiques et les prospections électriques. La prospection magnétique a donné d’excellents résultats à Castel-Minier : nous avons probablement localisé au moins un four lié au travail du fer et l’extension du ferrier qui en découle. Cette information devrait permettre de déboucher sur une fouille rapide et précise de ces structures métallurgiques. Il se pourrait que soit mise au jour à Castel Minier une forge de mine dont la fonction principale est la réparation et l’entretien des outils des mineurs.
Les cartes électriques montrent des réponses, mais restent difficile à utiliser sans sondage d’identification. Il sera nécessaire d’étendre la prospection électrique à toute la zone prospectée en magnétisme afin de tenter une corrélation des deux cartes.
          Enfin, les sondages électriques entrepris aux abords du château ont permis de renforcer l’hypothèse de la présence d’un fossé servant peut être de voie d’amenée d’eau au dessus du Plat-du-Roi.

La prospection pédestre (les meules)

          Un ensemble de 6 meules avait été répertorié par Claude Dubois, nous en comptons actuellement 10. Bien que chaque pièce soit unique, ces meules peuvent se définir comme suit. Elles présentent une face travaillée avec des stries radiales pour faciliter l’évacuation du minerai broyé et des stries circulaires qui sont autant de traces d’usure. Nous pouvons donc affirmer que toutes ces pièces ont servi. Elles sont percées d’un trou circulaire d’un diamètre d’une vingtaine de cm permettant le positionnement de l’axe d’entraînement. Accompagnant ce trou, l’emplacement de l’anille solidarise la meule à l’axe et permet ainsi sa rotation. Le diamètre des meules est en moyenne de 90 cm. L’épaisseur d’une vingtaine de cm varie assez fortement d’une pièce à l’autre et également sur une même pièce. En effet, la face externe n’a pas été retravaillée.
          La localisation de ces meules permet d’avancer quelques hypothèses. On peut évacuer les deux exemplaires trouvés en réemplois dans des murs, restent 4 meules sur Agneserre et 4 au niveau ou en aval du site de Castel-Minier. Bien que le torrent charrie assez facilement ces pièces, aucune n’a été repérée entre Agneserre et le site. On peut donc penser que ces quelques exemplaires restant sur les 87 de Jean de Malus marquent au mieux l’emplacement des ateliers métallurgiques sinon des moulins à minerai. Le problème réside dans la présence de meules dans le cirque d’Agneserre, c'est-à-dire bien au dessus de Castel-Minier et surtout des mines qui ont pu les approvisionner en minerai. Une conclusion s’impose, il existait des moulins à minerai dans ce cirque. La seule raison d’une telle localisation est une meilleure stabilité des installations dues à un régime hydrique plus faible.
          La conservation des meules pose problème. Lors du passage de Jean de Malus, il est dénombré 87 meules. Bien plus tard, en 1873, A. d’Assier signale que l’on aurait du mal à en compter plus d’une vingtaine, ces dernières étant emportées par le torrent. Aujourd’hui le nombre conservé se monte à 10. Si les meules localisées sur Agneserre ainsi que sur les rives du Garbet ne devraient pas disparaître de si tôt, celles se trouvant dans le lit du torrent peuvent, en revanche, être emportées lors d’une crue violente, ce qui en régime torrentiel n’est pas rare. Pour la sauvegarde de ce patrimoine, il suffirait de les haler sur la berge pour les mettre hors d’eau et assurer ainsi leur conservation. Notons également que l’étude exhaustive de ce matériel, somme toute assez rare, reste à faire (nature de la roche, recherche des carrières, reconnaissance des minerais subsistants sur la meule etc…).

Les vestiges médiévaux existants

          Enfin, nous avons profité de cette première campagne pour établir un relevé exhaustif des vestiges anciens encore en élévation sur le site. Il s’agit principalement d’un bâtiment donné pour une “ Chapelle ” et des restes d’un “ château ”. Pour la “ chapelle ”, seules les façades est et ouest et les angles nord-est et sud-ouest sont partiellement conservées en élévation. Les matériaux employés sont marqués par une forte prédominance du granit ayant un aspect émoussé. Les murs sont fait d’assises régulières, les rangs étant rattrapés par des plaquettes de schiste ou des cailloux. Les angles sont montés en besace avec des blocs cyclopéens. Le liant utilisé est un mortier de chaux blanchâtre relativement grossier, et les joints sont beurrés. La façade occidentale présente une baie obturée. Les vestiges sont plus nombreux dans la zone du “ château ”. Deux murs d’enceinte sont relativement bien conservés. Il s’agit du mur orienté nord-sud et d’un mur sous un roncier. Le premier repose nettement sur le rocher. Il montre encore une élévation de 2,30 mètres avec une épaisseur moyenne 60 centimètres. Il est en petit appareil avec moellons de granit et de schiste. Deux archères subissent encore. L’une sert actuellement de lucarne à la cabane du berger, l’autre est bouchée. L’autre mur d’enceinte est actuellement sous un roncier. Il s’élève sur 1,80 m. Son appareil est fait de moellons de granit et de schiste, avec prédominance du granit. Les assises sont régularisées par des cailloux et des plaquettes de schiste. Le tout est lié au mortier de chaux blanchâtre grossier. Le mur repose sur le rocher. En reprenant le texte de Jean de Malus, on peut voir à cet emplacement la fausse braie dont il fait mention. Toujours d’après le texte de Malus, il existe une tour d’angle, demi ronde. Sa place pourrait être légèrement devant l’entrée de l’actuelle cabane.
          Deux murs de la tour sont facilement visibles. En fait, il s’agit plus d’un mur au sud et d’une partie du massif de fondation de la “ tour ” à l’ouest. Dans chaque cas, la construction est en moellons de granit et de schiste, avec une prédominance du granit là encore. Les assises sont régularisées par des plaquettes de schiste ou des cailloux.
          Comme on peut le sentir à la lecture de ce court aperçu des travaux effectués à Castel-Minier en septembre 2003, le site est riche et nécessite toute notre attention. Les investigations ont permis de tracer plusieurs axes de recherche à suivre tant en mine (fouille, datation) qu’en surface : ateliers de traitement du minerai (gestion de l’eau, emplacement des ateliers), fouille de la fonderie et de l’atelier sidérurgique. Des travaux préparatoires restent à faire notamment la poursuite de la topographie.
          Ce travail n’a été possible que grâce au bon accueil que nous ont réservé les propriétaires des lieux ainsi qu’au soutien de la municipalité d’Aulus-les-Bains, de la Communauté de Communes d’Oust et du Service Régional de l’Archéologie. Que chacun en soit chaudement remercié.

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Pointerole découverte par les archéologues

 

 

 

 

Plan de Castel Minier

 

 

 

 

Archéologues en plein travail

 

 

 

 

Florian Teyregeol, Archéologue, chargé de recherche CNRS et responsable des fouilles.

 

Texte publié en 2004

Texte publié en 2007

Texte publié en 2009

 

 

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