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La poursuite des recherches sur Castel-Minier :
un haut lieu de la production d’argent, de plomb et de fer ! 2007
Depuis 2002, un nouveau programme de recherche archéologique a vu le jour avec, pour sujet, Castel-Minier. Les travaux qu’il est possible d’envisager ici sont très variés et l’équipe réunie autour de ce site a choisi de porter ses efforts sur la compréhension des chaînes opératoires métallurgiques. Tenter de s’intéresser aux deux grandes familles métalliques, ferreux et non-ferreux, pouvait sembler une gageure. Cette double approche a déjà été tentée, et avec succès, mais elle portait sur des sites parfois éloignés dans le temps et l’espace. En revanche, si l’on considère une réflexion sur les chaînes opératoires depuis la métallurgie extractive jusqu’à l’objet, alors il n’existe pas d’exemple connu où, sur un même site, soient associées les métallurgies du fer et des non-ferreux. La raison en est simple et tient à l’existence même de la matière première. D’un point de vue géologique, l’association entre les minerais de fer et les minerais non ferreux est une réalité qui se concrétise lors de la formation, par altération météoritique, d’un chapeau de fer. Mais, dans ce cadre particulier, si les deux types de minerais cohabitent, le minerai de fer n’a souvent servi que d’indice pour les anciens prospecteurs. Lorsqu’une exploitation se met en place, le fer est vite oublié au profit de métaux plus nobles. A l’inverse, les gîtes de minerai de fer ne présentent pas de concentration notoire en argent, cuivre ou or. Les sources archivistiques faisant défaut, il est donc naturel que personne ne se soit posé la question de l’existence de sites associant étroitement les deux métallurgies et de la cohabitation de celles-ci. Le cas de Castel-Minier, en cela, est atypique. Il présente deux ensembles qui se font face de par et d’autre du Garbet : une série d’entrées de mine en puits et galeries sur la rive gauche, et les restes d’une ancienne fortification sur la rive droite. Les études géologiques ne laissent aucun doute quant à la finalité de cette exploitation : il s’agit bien d’extraire l’argent, intimement lié au plomb dans de la galène. La minéralisation est de type filonien et se trouve prise au contact de schistes et de quartzite. Nulle part n’apparaît de minerai de fer digne d’être exploité. En revanche, les textes renseignent sur les échanges entre la communauté de Sem qui fournissait du minerai de fer en échange du charbon de bois de la vallée d’Aulus, et ce dès le Moyen Age.
Vers la mise au jour d’une mouline
Au cours des premières investigations, deux importantes anomalies magnétiques avaient été repérées qui signaient l’existence de deux amas de scories témoignant d’une activité paléosidérurgique. Un de ces amas, appelé ferrier, se trouve adossé au château. Un sondage conduit en 2005 a permis de caractériser une activité de forge doublée d’une activité de réduction. Sa localisation et la nature des déchets mis au jour sont des indices forts conduisant à penser qu’il existe une forge dévolue au château et, peut-être à l’activité minière. Le matériel céramique étant trop rare pour fournir une datation, des charbons de bois ont dû être analysés et donnent la fourchette de dates suivante : XII e-XV e siècles. Ces datations qui demanderont à être précisées s’inscrivent parfaitement dans la phase d’activité connue de la mine. Parallèlement, nous avons sondé le second ferrier qui s’est révélé être un amas de scories de réduction. Associé à ce dernier nous avons mis au jour une structure de grillage, ou de calcination, du minerai de fer. Surtout, la fouille de ce qu’il faut bien caractériser comme un canal de fuite a pu débuter. Cette structure hydraulique sert à l’évacuation de l’eau après son usage comme énergie. Le canal est constitué sur sa paroi nord d’un muret en pierres sèches, d’un sol pavé et d’un négatif de poutre sur sa paroi sud. Sa largueur est de 1,5 m et sa pente est de l’ordre de 10%. La présence d’un canal de fuite visiblement en fonction dans le cadre d’une production sidérurgique rend plus que probable l’existence d’un aménagement hydraulique de type « roue ». Eu égard au lieu et à l’époque considérés, il semblerait que nous soyons en présence d’une mouline. Cette installation sidérurgique a été étudiée au travers des textes notamment par C. Verna mais aucune à ce jour n’a fait l’objet d’une fouille. Enfin, la prospection magnétique avait indiqué un emplacement susceptible d’abriter un four. La fouille engagée sur cette zone n’a pas conduit à la découverte d’une telle structure mais apporte des informations inattendues. En premier lieu, un troisième ferrier a été caractérisé. La comparaison entre les datations par la céramique et par le 14C donne une fourchette comprise entre le XIV e siècle et 1600 (cette dernière date correspond à la visite du site par Jean de Malus). Cette découverte renforce encore l’importance de l’activité sidérurgique à Castel-Minier. Elle renseigne également sur le peuplement végétal au-dessus de la zone castrale. Il apparait que, contrairement à aujourd’hui, il y avait là un espace ouvert non boisé et sans terrasse agricole. En effet, le colluvionnement qui vient sceller le ferrier se compose de blocs cyclopéens qui n’ont pu évoluer que dans un espace particulièrement ouvert et sans terrasse visant à retenir les sols.
L’activité minière
Si la sidérurgie tient une place de choix sur ce site, la raison d’être de la fortification de Castel-Minier reste bien évidemment la proximité d’un gisement de plomb et d’argent. Les travaux archéologiques tant en mine qu’en extérieur ont conduit à fournir un cubage des déchets miniers médiévaux encore présent sur la rive gauche. Au total, les haldes anciennes représentent un peu plus de 1000 m 3 alors que celles issues de l’exploitation moderne ne comptent que pour 680 m 3. Ce volume moderne, mieux conservé que le volume médiéval, est relativement faible. Il rend bien compte des travaux de reprise restreints qui ont eu lieu sur le site. Une comparaison avec les haldes anciennes est forcement limitée car ces dernières sont déjà dans un processus avancé de stabilisation et ont d’ors et déjà perdu beaucoup de leur matériaux (glissement colluvionnement etc.). En revanche les dépôts modernes sont encore proches de leur état initial mais évoluent rapidement, notamment la halde de la grange se trouvant en bord de torrent et qui n’est pas végétalisée.
En mine, les travaux ont été très limités, concentrés sur le travers-banc 0 et la galerie des Anciens. Dans cette galerie qui reste une des plus belles parties médiévales du réseau de Castel-Minier, des relevés de profils ainsi que des coupes ont pu être dressés conduisant à une meilleure lecture son architecture. Il s’agit d’une galerie de recherche connectée au travers-banc 0 ainsi qu’au puits des Anciens. Elle est équipée d’un système de drainage des eaux qui a particulièrement souffert des tentatives de reprises modernes. Dans ce petit réseau a été découvert des éléments de machines en bois dont il est difficile de dire s’ils sont médiévaux ou plus récents. Afin de faciliter l’accès à cette galerie, des travaux d’assistance ont été conduits dans le travers-banc 0 pour abaisser le niveau d’eau. Ce nettoyage de la galerie s’est poursuivi à l’extérieur et a permis de mettre au jour des éléments de la voie ferrée moderne ainsi que la petite canalisation servant à l’évacuation des eaux. A ce jour, cette portion de la mine est accessible à pied sec et sera utilisée comme voie d’accès privilégiée pour les recherches à venir. Notons également que la mise hors d’eau du travers-banc 0 a permis une meilleure observation de cette galerie. Nous avons pu ainsi caractériser d’importants fragments de parois médiévales. Alors qu’aujourd’hui, il est aisé de circuler debout dans cette galerie suite à son élargissement au début du siècle dernier, sa hauteur à l’origine ne devait pas excéder 1 m pour 60 cm de large.
La préparation des minerais
Lors des premières campagnes, nous avions entamé un recensement des meules à minerai encore visibles sur le Garbet. Nous en avions comptabilisé 10 ce qui était bien en deçà des 87 meules vues par Jean de Malus en 1600. Depuis, le corpus s’est étoffé avec la découverte de trois nouveaux fragments. Nous avons également mis au jour une enclume de pierre servant au concassage du minerai. Cette association entre le système classique de concassage sur enclume et la préparation mécanique n’est pas le signe d’une transition technique d’un système ancien vers un système novateur. Avant de pouvoir passer le minerai au moulin, il faut le réduire à une maille relativement fine afin qu’il puisse s’insérer jusqu’à passer entre les deux meules du moulin où il est réduit en farine. Il faut bien reconnaitre que nous sommes toujours à la recherche de l’emplacement de ces moulins à minerai. A ce titre, le cas des meules d’Agnesserre ne manquent pas d’étonner. Pourquoi des moulins ont-ils été installés dans ce cirque alors que les zones d’exploitation sont en contrebas ? La gestion de la force hydraulique pourrait être une bonne raison mais demande à être démontrée. Pour tenter de répondre à cette question, nous avons fait appel au croissement de deux méthodes : la géophysique et la géochimie. Les réponses obtenues ne sont pas encore satisfaisantes et nos travaux vont se poursuivre en appliquant les mêmes méthodes employées jusqu’ici. Mise à part les 4 exemples de meule dans le cirque d’Agnesserre, le reste du corpus se distribue sur le site de Castel-Minier ou à proximité immédiate. Nous trouvons là un écho favorable au toponyme « le pré aux meules » qui jouxte la parcelle castrale. Si aujourd’hui aucune meule n’est visible sur ce pré, il en existe deux à proximité dans le torrent. D’autre part, l’étude microtopographique laisse voir des anomalies qui ont attiré notre attention. Il s’agit de formes assez molles évoquant des accumulations en tas. Avant d’engager des fouilles, il a semblé judicieux de prospecter plus avant cet espace. C’est ce qui a été fait durant la campagne 2006 en mettant en œuvre une approche géochimique. Il s’agit de doser les éléments chimiques présents dans le sol. Lors de l’activité minière et métallurgique, les sols se chargent en métaux apportés par les mineurs via la galène. Nous recherchons donc essentiellement le plomb mais également d’autres éléments comme le zinc ou encore le fer. La carte géochimique recalée sur le fond topographique conduit à l’identification d’une anomalie qui ne peut être naturelle d’autant plus qu’elle est située sur les accumulations déjà repérées. Reste que ce signal peut aussi bien correspondre à un emplacement de rejet, comme à celui d’un moulin ou à une zone de préparation manuelle (qu’il s’agisse de concassage ou de lavage). Seul le toponyme et le comptage de Jean de Malus appuient notre hypothèse concernant la localisation des moulins à minerai. A ce terme, les méthodes de prospection ne peuvent plus nous permettre d’affiner notre interprétation. La fouille s’impose.
A la recherche de la fonderie
« En la vicomté de Couzerans à une lieüe par dessus le village d’Aulus y a un chasteau vieil composé d’une tour carré fort haute […] du costé de la plus grande montaigne y a une vieille porte, par laquelle on entroit dans la grande fonte, ou l’on fondoit l’or & l’argent.». Ce texte bien connu valide la présence d’une fonderie dans l’enceinte même du château de Castel-Minier. Si la présence d’une fortification ne fait aucun doute, il n’en va pas de même de la fonderie. Lorsque Jean de Malus visite le site, l’activité a cessé. Cet arrêt est antérieur à 1580 puisque plus loin, on note : « il ny a pas plus de plus de vingt ans, qu’un vieil paysant du lieu d’Aulus nomé Galin trouva dans cette fonte un lingot d’argent pesant huit livres […] quelques autres y ont trouvé de grands saumons de plomb… ». Il n’est pas question de s’interroger sur l’existence ou non de ces lingots. En revanche, on peut poser comme un risque potentiel l’assimilation des structures de production du fer à celles de production d’argent et de plomb. Ce doute doit pouvoir être levé rapidement. D’une part Jean de Malus, agent du Roi, connait son travail et n’apparait pas en mesure de confondre une mouline de fer avec une fonderie d’argent. D’autre part, la localisation actuelle des structures de production de fer sont nettement hors de l’ensemble castral alors que la fonderie se trouverait dans le château. Lors des premiers sondages effectués autour de la tour (parties sud-est et sud-ouest), nous n’avons trouvé que de très maigres indices d’une activité métallurgique liée à la production d’argent. Il s’agissait de quelques scories ne dépassant pas le centimètre cube. Bien peu de chose en regard du volume des ferriers ! C’est pourquoi, une fois encore, nous avons eu recours à une prospection géochimique. Les résultats ont dépassé nos espérances. Sur l’espace compris actuellement entre la grange et la cabane de berger, il se trouve une anomalie en plomb et en zinc qui signe une forte activité métallurgique. Mais surtout, cette anomalie semble contenue au nord par la muraille, et se limite au « plat-du-roi » sur le flan sud. Dans les parties qui avaient fait l’objet de sondages, il apparait que nous sommes déjà dans une décroissance de l’anomalie. Ainsi la fonderie est maintenant localisée et des recherches plus approfondies vont pouvoir débuter.
Conclusion
Au terme de 5 années de recherche, le site de Castel-Minier est loin d’avoir livré ses secrets. Bien au contraire, il semble devoir nous réserver encore des surprises. Une chose est sûre : ce site était présenti comme un jalon essentiel dans la compréhension de l’évolution des schémas techniques de production métallurgique. Cette position exemplaire peut être de nouveau affirmée à la fois pour le plomb et l’argent mais également pour le fer et l’acier.
Il ne serait pas possible de conclure cette rapide présentation des activités archéologiques sur Castel-Minier sans signaler que cette recherche s’inscrit également dans des programmes nationaux (Programme ANR, l’acier dans le sud de l’Europe, Programme ANR Ecodynamique des systèmes) et que si les travaux archéologiques visent à améliorer la connaissance historique sur la vallée d’Aulus, ils participent également d’une recherche plus large inscrite à la fois dans un contexte pyrénéen et européen.
Enfin, ces travaux ont été possibles car ils ont reçu jusqu’à présent un fort soutien du Service Régional de l’Archéologie Midi-Pyrénées, de la commune d’Aulus-les-Bains, de l’Agence Nationale de la Recherche et du CNRS. Ces partenariats sont appelés à se développer afin que l’approche strictement archéologique évolue vers une valorisation bien comprise du patrimoine aulusien.
Pour en ceux et celles qui souhaiteraient en savoir plus, les rapports remis annuellement sont déposés au Service Régional de l’archéologie à Toulouse ainsi qu’à la mairie d’Aulus-les-Bains.
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