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Texte publié en 2004 - Texte publié en 2007 - Texte publié en 2009

Castel-Minier : premier bilan après trois années de fouille 2012

          Lors de notre précédent article paru en 2007 dans les Mémoires du Garbet, nous faisions état de plusieurs axes de recherche couvrant tant l’aspect minier du site que celui portant sur la chaîne de production de l’argent, ou encore l’étude de la production de l’acier. Les recherches en archéologie minière avaient conduits à une bonne connaissance de la quantité de déchets encore visibles sur la rive gauche du Garbet au lieu-dit Les-Ouels. Parallèlement les travaux souterrains restaient très limités ne visant qu’à mettre hors d’eau une des galeries d’accès. Pourtant, ce simple travail de décombrement avait déjà conduit à mettre en lumière de nombreuses portions médiévales d’une galerie reprise à la poudre au début du XXe siècle. Toujours dans une approche préparatoire à l’étude de ce site. Le dénombrement des meules à minerai s’est poursuivi et s’est enrichi. En 2007, nous en comptions 13. Le nombre s’élève aujourd’hui à 18 meules ou fragments de meule dont certains ont été découverts en réemploi lors de la fouille de l’atelier sidérurgique. Une partie de nos efforts a été orientée vers la recherche de la fonderie cherchant à faire écho à la relation de Jean de Malus. Hélas, la destruction du château au XIXe siècle et le soin pris pour l’érection de l’actuelle grange laissent peu d’espoir de retrouver des éléments bâtis en place. En revanche, la fouille des abords de la fortification pourra se révéler prometteuse. En effet, sans le rechercher spécifiquement, ailleurs que dans l’espace castral, nous avons mis au jour un lingot de plomb, quelques scories et un fragment de minerai d’argent. Témoignages certes bien ténus, mais véritables, de l’activité de production d’argent qui a pris place dans ce lieu.

          Il faut bien reconnaître que la plus grande partie de nos efforts s’est tournée vers la définition de l’espace sidérurgique. Précocement, nous avions évoqué la possibilité de l’existence sur ce site d’une mouline. Castel-Minier s’est montré à la hauteur de nos attentes.

          En l’état de nos connaissances, l’atelier sidérurgique en cours de fouille s’organise autour d’un canal. Cet aménagement hydraulique forme la colonne vertébrale du site. Nous ne savons pas encore exactement comment se fait la venue de l’eau. En revanche, il semble qu’un système de stockage, et par la même de gestion du flux soit en place au contact de l’atelier. Cette structure était visible avant que ne débute la fouille et n’avait pas pu être interprétée. Sa fouille permettra de mieux comprendre la technique de gestion de l’eau mise en place par les métallurgistes. A l’inverse nous avons bien saisi les questions liées à l’évacuation de cette eau après son usage énergétique. Ce canal alimente en effet deux roues : l’une pour le marteau, l’autre pour les soufflets du four. La fin du canal est particulièrement bien soignée avec la mise en place d’un dallage sur une portion longue de 7 mètres. L’eau est ensuite livrée à elle-même et s’évacue de Castel-Minier par un talweg naturel.

          La fouille a permis de mettre au jour la totalité de la chaîne de production du fer à Castel-Minier. Approvisionnée par le minerai de Rancié (communauté de Sem, vallée de Vicdesssos), cette mouline dispose au moins d’une unité de calcination du minerai. Il s’agit d’une structure ouverte ayant une faible élévation. Dans son dernier état de fonctionnement, elle se compose d’une structure grossièrement appareillée sur trois cotés, le quatrième étant ouvert et regardant vers le nord est. Des pierres en granit issues de structures métallurgiques sont utilisées en réemploies. La sole se compose d’une succession de niveaux argilo-sableux rubéfiés riches en minerai de fer. Une fois les pierres de construction retirées, il apparaît nettement que l’aire de combustion a fonctionné dans un état antérieur sans bâti particulier. L’aire rubéfiée couvre 9 m². Il semble qu’une seconde se distingue légèrement plus au nord et sortant actuellement de l’emprise de la fouille.

          Une fois calciné, le minerai est réduit dans un bas-foyer. La fouille de cette structure n’est pas encore achevée. Lors de sa découverte, les niveaux de démolition se sont trouvés directement sous la terre végétale et le colluvionnement récent. Il semble que l’élévation que nous avons retrouvée soit proche de l’état initial, ce qui explique que nous qualifions cette structure de « bas-foyer » préférentiellement à « four ». Il se présente pourtant en plan comme un four en trou de serrure. Une sorte d’alandier de forme trapézoïdale donne un accès horizontal à la base de la structure. Ce couloir d’accès est long de 70 cm. Il est large à l’entrée de 60 cm et se resserre pour ne plus faire que 35 cm à l’entrée du creuset. Il est bordé par deux pieds droits : à l’est un mur conservé sur 1.2 m de hauteur et à l’ouest par un second pied droit de 40 cm de haut lié au massif dans lequel s’inscrit toute la structure. La cuve du bas-foyer est globalement circulaire. C’est un tronc de cône renversé dont le diamètre à la base n’excède pas 20 cm alors que, dans la partie supérieure, il est compris entre 80 cm dans l’axe des évents et 1 m dans l’axe de l’alandier. Le creuset est assez bien marqué, il en part une sorte de canal de coulée d’une vingtaine de centimètres de large pour 5 à 6 cm de profondeur. Ce canal est long d’une soixantaine de centimètres. Les traces de réduction sont bien visibles dans la cuve. De la scorie adhère encore à la paroi et permet de définir la zone de formation de ce déchet et, par la même, l’emplacement du massiot. Ce bas foyer est un inscrit dans un massif rapporté.

          Bien que la fouille de cet ensemble ne soit pas achevée, il faut nécessairement parler du système de ventilation. La fouille du canal a permis de caractériser une première roue desservant les soufflets. L’emplacement de l’évent dans le bas foyer place le système de ventilation à un peu plus de 5 m du canal. La distance à ce bief et l’existence d’une roue renvoient naturellement à l’usage de soufflets. Il ne s’agit donc pas d’une forge à la catalane qui se caractérise dès son origine par son système de ventilation si particulier. De l’espace dédié à la ventilation, nous ne connaissons aujourd’hui que deux murs. Ils sont d’une facture particulièrement soignée dépassant en qualité ce qui a pu être observé pour les autres constructions dans l’espace de la mouline. La fonction de ces murs devra être définie. Il semble que leur rôle de protection thermique de la soufflerie soit prépondérant à celui de soutènement du massif de fondation du bas-foyer.

          A ce bas-foyer, il faut associer une enclume de pierre devant servir au cinglage de la loupe. Cette opération qui a lieu directement à l’issue de la réduction vise à effectuer un premier compactage du fer. Elle ne peut être réalisée sous les coups du marteau hydraulique qui, trop puissants, entraineraient la désintégration du massiot. Après compactage, ce massiot va être mis en forme à l’aide du marteau hydraulique qu’ici encore, nous avons retrouvé. Il s’inscrit dans un espace de 25 m² que l’on peut scinder en trois zones distinctes tant fonctionnellement que structurellement : la zone de l’arbre de la roue, la zone de fondation du marteau et la zone de travail symbolisée par le trou de l’enclume. Des superstructures, il ne reste rien. Ce n’est donc qu’avec ses fondations que nous allons tenter de décrire cet appareil en suivant la transmission de la force hydraulique. La force est donnée par la seconde roue du canal. Cette roue transmet son mouvement grâce à son axe qui se développe donc perpendiculairement au canal. Cet axe, comme la roue, est soutenu par un bâti en bois dont nous n’avons retrouvé que les fondations. Cet arbre est doté de cames qui vont transmettre le mouvement perpendiculairement et le transformer, in fine, en un mouvement rectiligne via un mouvement de balancier. Ce balancier, l’arbre du marteau est maintenu dans une architecture en bois qui s’ancre dans la soucherie. Sous ce terme, nous désignons l’ensemble des éléments de fondation du marteau proprement dit. Le positionnement de ces fondations indique sans aucun doute possible que le renvoi de la force se fait perpendiculairement à l’arbre de la roue et non dans sa direction.

          La soucherie présente en surface une série de négatifs de planches et de madriers disposée parallèlement aux creusements de forts trous de poteau. La fouille a révélé 5 niveaux formant une épaisseur d’une trentaine de centimètres. Il ne s’agit ni d’un plancher ni même d’un enchevêtrement. A peine notons-nous que ces planches venaient buter à l’ouest contre les blocs qui délimitent la fosse de la soucherie. Ces blocs servent à un calage des éléments en bois alors que la fonction de ces planches et madriers ne semble pas dépasser la question d’une mise à niveau des sols d’uti lisation.

          La fouille de cette substructure n’est pas encore achevée. Il semble que nous n’ayons traité pour l’heure que les parties sans bois conservé. On peut néanmoins déjà définir la zone sommitale. Limitée en extérieur par des blocs formant parfois les bords même des fosses, la structure dessine un quadrilatère. Les plus grands cotés sont représentés par des négatifs de poutres. Ils sont disposés longitudinalement et viennent se fixer dans les poteaux latéraux. Si le creusement sud ne laisse voir que l’emplacement de deux poteaux, le négatif des poteaux au nord révèle bien trois bois dont un est en relation avec le système de soutènement de l’axe de la roue alors que les deux autres sont dévolus au maintien du marteau. Ces 5 poteaux avec une section de carré de 50 cm de coté forment l’ossature extérieure du marteau. Si, dans la partie visible, la soucherie occupe un espace relativement réduit de 5 m², il est fort possible qu’elle vienne s’ancrer jusqu’au bord du canal dans sa partie sud et jusqu’en limite de l’axe formé par les creusements ouest. Il sera également intéressant de voir si la fondation s’étend jusque sous le trou de l’enclume. In fine, le martelage prend place sur une enclume métallique dont nous n’avons retrouvé que la fondation. Le trou de cet objet est un quadrilatère de 35 cm de côté pour une profondeur de 16 cm. Les bords sont réalisés à l’aide de pierres dont une au moins a été taillée pour définir un des angles du trou. Sa faible puissance témoigne d’une enclume subaffleurante comme on peut en voir dans de nombreux martinets. Si l’on considère que l’enclume ne devait pas dépasser de plus de 15 cm au dessus du sol, alors nous sommes en présence d’un bloc de métal de 37 dm 3 dont la masse serait d’un peu plus de 280 kg et dont la surface utile ne doit pas dépasser 900 cm²( 1 ) . Sa stabilité est principalement assurée par son poids et non par son calage. Le substrat sur lequel l’enclume est assise doit être ferme pour que l’objet ne s’enfonce pas au fur et mesure de son uti lisation et, en même temps, suffisamment mou pour éviter les renvois élastiques. Dans l’état actuel de la fouille, le trou de l’enclume repose directement sur un niveau scoriacé induré.

          Le sol de forge a fait l’objet de trois prélèvements. La puissance de cette couche semble assez variable allant de 7 cm à plus de 30 cm. En revanche sa dureté est une constante qui a nécessité le recours à une meuleuse pour en détacher des parties. Elle s’étend sur une vingtaine de mètres carrés. Malgré sa résistance, sa composition est particulièrement hétérogène. On y trouve des fragments de scorie, des charbons de bois, des esquilles de bois, des morceaux de granit et du fer. L’observation sur section non polie révèle déjà l’existence de battitures et de chutes métalliques. Leur taille centimétrique et les porosités visibles dans le fer caractérisent un travail de forge d’épuration. Notons enfin que plusieurs fragments de céramique de pâte claire à cœur et rouge en surface avec une glaçure jaune sur engobe blanche ont été trouvés brisés sur place et concrétionnés. Cette céramique apparait dans cette région au milieu du XVIe siècle.

          Cet ensemble sidérurgique dans son état d’abandon est daté de la première moitié du XVIe siècle. La fouille exhaustive du ferrier a permis de restituer une séquence chronologique très intéressante car s’échelonnant de la fin du XIIIe siècle jusqu'au XVIe siècle. En effet, sous le ferrier, nous avons découvert un second canal hydraulique désaxé par rapport au premier et filant sous celui-ci. Ce site offre ainsi la possibilité de fouiller les différents états et évolutions d’une mouline depuis son avènement jusqu’à l’abandon de cette technologie au profit de la forge à la catalane.

          Les produits et déchets issus de cet atelier font l’objet d’une étude archéométrique poussée. Si la filiation entre le minerai de Rancié et les objets en fer a bien été confirmée, nous pouvons également affirmer aujourd’hui que les productions de Castel-Minier sont exclusivement en acier et non en fer. Elles n’ont pas vocation à fournir un marché particulier puisque l’étude métallographique d’une pointerolle trouvée dans la mine voisine a fait apparaître un objet réalisé uniquement à partir d’acier. Outre ce matériau, l’analyse des déchets métalliques fait ressortir la prépondérance de la fonte. Nous en arrivons à la conclusion que nous sommes bien en présence d’une filière acier tant et si bien que nous n’avons pas encore trouvé d’objets en fer sur ce site : choix assumé ou conséquence subie liée à la nature du minerai ? La poursuite des recherches devrait nous permettre de répondre.

Bibliographie :
FLORSCH (N.), LLUBES (M.), TÉREYGEOL (F.), GHORBANI (A.), ROBLET (P.), Quantification of buried slag volumes by using non-invasive geophysical methods”, dans 1st international workshop on «  advances in remote sensing for archaeology and cultural heritage management », Rome, 2008, p. 175-178.
TÉREYGEOL, (F.), Mines anciennes, entre valorisation économique et recherche archéologique, in Mines & Carrières hors-série, n°148, 2008, p. 40-50.
FÉRAUD (J.), TÉREYGEOL, (F.), Mines d’autrefois, mines de toujours, in Géosciences, la revue du BRGM pour une Terre durable, n° 7-8, 2008, p. 190-195.
BONNAMOUR (G.), FLORSCH (N.), TÉREYGEOL (F.), Les prospections de ferriers de Castel-Minier : approches interdisciplinaires, dans ArchéoSciences, revue Archéométrie , n°31, 2007, p. 37-44.
TÉREYGEOL (F.), Le plomb dans l’Histoire, Géochronique, n° 102, 2007, p. 38-41.
Castel-Minier : premier bilan après trois années de fouilles, dans la Mémoire du garbet

Notes : ( 1 ) Pour comparaison, une enclume de maréchal-ferrant pèse autour d’un quintal et présente une surface de travail comprise entre 700 et 800 cm².

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Pointerole découverte par les archéologues

 

 

 

 

Plan de Castel Minier

 

 

 

 

Archéologues en plein travail

 

 

 

 

Florian Teyregeol, Archéologue, chargé de recherche CNRS et responsable des fouilles.

 

 

Texte publié en 2004

Texte publié en 2007

Texte publié en 2009

 

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